Je suis chanteur, la retraite c’est pour jamais.

Réflexion de Swann autour de la retraite des musiciens. Question importante que je me pose sur la chose : quand est-ce qu’un artiste sait qu’il doit raccrocher le micro définitivement ?

Passons en revue quelques noms :

Bob Dylan : 70 ans

Marianne Faithfull : 65 ans

Mick Jagger : 68 ans

Keith Richards : 68 ans

Ozzy Osbourne : 63 ans

Paul McCartney : 69 ans

Ces noms sont tous des légendes de la musique. Des mastodontes qui n’ont absolument plus rien à prouver à personne. Leurs carrières ont de quoi faire rêver, leurs comptes en banque sont pleins à craquer, et ils aiment profondément leurs métiers. Si bien qu’ils n’arrivent pas à raccrocher leurs micros, et couler une vie heureuse et paisible dans leurs belles demeures, et tourner la page.

En voyant Marianne Faithfull sur le plateau de One Shot Not, j’ai eu de la peine pour elle. Je me voyais projeter dans un film mettant en scène une artiste sur le déclin. Avec tout le mélo-dramatisme propre au film hollywoodien. Imaginez-vous.  La Dame est sur scène, avec beaucoup de kilos en trop, une coupe de cheveux d’un autre temps, et une voix qui malheureusement ne suit plus. La faute sans doute à l’alcool et au tabac qui ont fatigué et abîmé cette voix autrefois si belle. Lady Faithfull se mélange dans les paroles, elle semble perdue, elle ne suit pas la musique, les musiciens remarquables s’adapteront à elle. Son regard est triste, et on sent bien qu’elle n’est plus la Grande Marianne qu’on avait l’habitude de me décrire. Du coup je me suis demandée si elle n’aurait pas mieux fait de tirer sa révérence au lieu de continuer et d’être une copie défraichie de ce qu’elle était.

Un autre exemple frappant d’artiste qui continue à monter sur les tréteaux bien au-délà de l’âge de la retraite : le grand Bob Dylan, le maître du folk-rock. Celui qui a ouvert les voix à nombres d’artistes après lui. Mais à l’écouter aujourd’hui, on se dit que l’homme devrait poser définitivement sa guitare : la voix ne suit plus du tout, lui même n’est plus dans le coup. Papy Dylan peut bien s’amuser à changer les arrangements de ces morceaux, et tenter de les réinventer, mais le fait qu’aujourd’hui, lui aussi est loin du compte. Dès lors, on a de la peine presque, et on regrette aussitôt de les avoir vu sur scène. Inéluctablement l’image qu’on a en tête n’est plus la même et le mythe s’écroule.

J’imagine que pour un artiste son art est la seule chose qui lui importe.  Il vit pour ça, rien que pour ça. J’imagine que la musique est leurs oxygènes, et qu’ils ne peuvent vivre sans. J’imagine aussi que pour un artiste qui a vécu toute sa vie sur les routes, en studio, qui a donné des milliers de concerts, devoir raccrocher les micros n’est pas chose simple. Du jour au lendemain il n’y a plus l’adrénaline du live, il n’y a plus le processus créatif, les heures à passer en tête à tête avec une guitare ou un piano pour répéter. Et puis on passe de la lumière à l’ombre… Tout cela est bien difficile à gérer.  J’imagine qu’on n’apprend pas à un artiste à tirer le rideau final. Cependant, l’image du vieux papy croulant est bien compliqué à contempler pour les spectateurs. Celle d’Ozzy Osbourne, trainant des pieds et ayant du mal à se déplacer sur la scène du Zénith m’a un peu attristé aussi.

Du coup, j’en suis à me demander si j’irais voir un jour les Rolling Stones avant qu’ils ne cessent définitivement la musique. Sans doute pas. Je ne les ai jamais vu sur scène, mais je préfère pour le coup voir et revoir les vidéos de leurs jeunes années, histoires de garder le mythe intacte dans ma tête.

 

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Henode* dit :

    Ah le vaste et merveilleux sujet!

    Chaque cas que tu cite est atypique et particulièrement différent, parce qu’il y a derrière une personnalité et une approche de la musique différente

    Pour Mick et Keith par exemple: Keith mourra les doigts sur un manche de guitare (si tant est qu’il meure jamais un jour, pour citer Johnny Depp: « Lorsque la guerre nucléaire aura ravagé la terre, il ne restera plus que deux formes de vies sur cette planète: les cafards, et Keith Richards ») mais Mick lui, est clairement un businessman et fait ça pour le fric, pour se faire mousser, et en troisième plan pour la musique elle-même (si mick s’emmerdait vraiment avec les stones, il partirait et ferait ses propres trucs Seuls; rien qu’avec son nom il a de quoi bosser avec les plus grands qui lui composeraient tout, mais ses quelques tentatives en dehors du groupe l’ont vite dissuadés de tenter quoi que ce soit, il a besoin de Keith de Charlie et de cet imbécile de Papy Ron Wood)

    Pour ce qui est de Dylan, j’étais comme toi, je trouvais inutile qu’il continue, jusqu’à connaitre son histoire (merci la superbe biographie de François Bon, qui m’a donné envie de jouer de cet instrument que je ne lâcherai jamais plus) et évidemment qu’il a une voix de canard zombie, que ça ne ressemble plus a rien un disque de Dylan aujourd’hui (bon dieu son dernier album est un disque… DE NOËL); mais c’est peut être un des rares mecs dont la musique n’a plus d’importance réelle; c’est plus qu’un mythe du passé qu’on vient voir, c’est un homme aux masques infinis, multiples, un homme qui a jamais restera un mystère absolu (le « Aujourd’hui j’ai mis mon masque de Bob Dylan » pour le concert d’Halloween en 1964 est à rapprocher du contemporain « Je suis Bob Dylan quand j’ai besoin d’être Bob Dylan – Et qui êtes vous quand vous n’êtes pas Bob Dylan? – Moi-même » ; sans parler de sa récente arrestation alors qu’il errait en vieux jogging dans les jardins de Bruce Springsteen, ou qu’il se mêle a la foule en Angleterre pendant la visite de la maison de Lennon enfant, ou encore quand il va visiter l’ancienne maison de Neil Young en demandant aux vieilles dames qui habitaient encore là « est-ce que Neil se mettait à cette fenêtre pour composer? » choses absurdes, lui même pouvant entrer sans aucun problème en contact avec Neil et Bruce)

    On ne saura Jamais qui est réellement Bob, et au fond, c’est ÇA qu’on va venir voir sur une scène. Ce mystère.

    Je ne dirais rien concernant les cas d’Ozzy et de Marianne, même si j’ajouterai que je te trouve dure avec Marianne, je l’ai déjà vue récemment dans de très bon jours, et elle peut encore être merveilleuse; mais l’oncle Paul par exemple, s’il ne tournera plus va encore faire des albums (non?) et est encore capable de belles fulgurances, comme son dernier album avec le très étonnant projet expérimental « The Fireman » (duo avec le bassiste de Killing Joke) qui s’il contient des lourdeurs et des conneries, est aussi habités par certaines belles ambiances voire de belles rages; ou surtout, un de ses plus grands chef d’œuvres solos et même nu des plus grands disques des années 2000 rien de moins, j’ai nommé Chaos and Creation in the Backyard

    Je pourrai également citer Loudon Wainwright (oui le père de Rufus ) a la longévité artistique de qualité et extraordinaire, ou encore les derniers albums de Johnny Cash…

    On ne peut pas empêcher les gens de venir voir sur scène les restes d’un mythe qui a plus de 20, 30, 40, parfois 50 ans voire 60 (Chuck Berry, malgré son récent malaise) mais on ne petu pas empêcher non plus un artiste de continuer, ne serait-ce que parce qu’une flamme , un génie, ne se perd jamais complètement et peut ressurgir a tout moment mais surtout parce que, ces gens là, le droit a continuer jusqu’à bout, ils l’ont Gagnés, par ce qu’ils ont offerts aux gens… Certes, l’aspect argent pollue certainement ce discours positif (places de concerts chères, retours qui donnent l’impression de juste pomper du fric…) mais une chose est sure; seul un mec qui aura passé plus de 55 ans sur les routes, (avec entractes en prison), aura permis de révolutionner la jeunesse d’un pays et par effet de domino une génération entière de musiciens qui en influencera une autre puis une autre, jusqu’a influencer la vision même du monde et de la vie, celui la seul pourra aller chercher Chuck Berry et lui dire d’arrêter ses conneries et de se foutre à l’hospice comme tout le monde.

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